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    Malgré-nous : « Les durs chemins de la liberté » d’Edmond Klenck, de Schlierbach

    Le Schlierbachois Edmond Klenck a fait partie des Malgré-nous alsaciens pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a rédigé les mémoires de guerre de son incroyable périple dans un remarquable document intitulé « Les durs chemins de la liberté », que nous publions par épisodes.

    Edmond Klenck rencontrant le pape Jean-Paul II en 1984.  DR
    Edmond Klenck rencontrant le pape Jean-Paul II en 1984.  DR

    Pour commencer, un avant-propos de l’auteur, Edmond Klenck. « Depuis des années, de nombreux parents, amis et connaissances qui ont entendu le récit de quelques-unes de mes aventures dans le maquis polonais m’ont prié de mettre par écrit mes mémoires. J’ai toujours hésité, car le souvenir précis des lieux, faits et gestes s’est estompé au fil des années, et durant le temps de ma vie active, cette tâche ne me paraissait pas prioritaire.

    « Rassembler ce qu’il me reste de mes souvenirs »

    Maintenant que je suis à la retraite, je dispose de plus de temps et le passé surgit de manière plus insistante, comme une sorte de conjuration contre l’oubli. J’en ai conclu que le moment était venu de rédiger un texte qui rassemblerait ce qu’il me reste de souvenirs.

    Si, dans une première partie qui concerne la période allant jusqu’à mon évasion de l’armée allemande, la chronologie est à peu près respectée, je ne saurais affirmer la même chose pour les faits divers se rapportant à mon séjour dans le maquis, parce qu’ils se présentent un peu pêle-mêle à mon esprit. Tous ces événements se sont inscrits en moi, sans respecter les repères de temps et de lieu, je vous prie de m’en excuser. D’avance je demande votre indulgence pour les imprécisions que je viens de signaler.

    Les tribulations subies par la jeune génération d’Alsaciens et de Lorrains

    Je ne prétends nullement faire œuvre d’historien. Il s’agit plutôt d’un témoignage, parmi d’autres, qui relate les tribulations subies par la jeune génération d’Alsaciens et de Lorrains, suite à l’annexion de leur petite patrie au Reich. Une annexion qui est restée volontairement ignorée par la France de Pétain, et qui laisse encore aujourd’hui nos compatriotes assez indifférents. »

     

    L'invasion

    Voici le premier extrait des mémoires d’Edmond Klenck, de Schlierbach. Un texte intitulé : "L'invasion".

     

    « En 1939, je me trouve depuis trois ans en pension au château d’Aix, un collège salésien situé dans le département de la Loire, dans la région de Balbigny. J’ai 15 ans et je finis ma 3e. En mai 1940, lorsque les Allemands déferlent vers le sud de la France, le directeur décide de fermer l’établissement et de renvoyer les élèves chez eux. Nous sommes une vingtaine d’Alsaciens dont les familles ont été évacuées en 1939 parce que leurs villages situés sur le Rhin sont en première ligne. Mais cette précaution s’avère totalement inutile, car la percée des troupes allemandes se fait à travers la Belgique et les Flandres.
    Mes parents sont réfugiés à Lauzun, une commune du Lot-et-Garonne. Toute la troupe des Alsaciens quitte donc le château d’Aix, accompagnée par un abbé salésien anglais, le père Power, qui a hâte de rejoindre son pays avant l’occupation de la côte atlantique par l’ennemi. Les voies de communication étant coupées, nous partons à pied. Je n’ai pour tout bagage qu’une valise, qui va me servir de siège et d’oreiller lors des différentes étapes de notre périple. Nous prenons la route de Thiers - Clermont-Ferrand, à travers les collines du Forez d’abord, la plaine de la Limagne ensuite et les contreforts du Massif central. Nous couchons dans les granges ou sommes accueillis dans des familles qui s’apitoient sur nous.
    Une cible de choix
    Si le trajet jusqu’à Thiers s’effectue sans encombre, nous subissons par contre à plusieurs reprises les attaques des Stukas dans la plaine de la Limagne. La file ininterrompue de réfugiés français et belges, mêlés aux soldats en déroute, qui serpente à travers cette plaine offre une cible de choix aux attaquants. À chaque survol des avions, nous courons nous abriter dans les fossés de chaque côté de la route, par chance assez profonds.
    À raison d’une vingtaine de kilomètres par jour, nous atteignons la petite ville de Laqueille, où nous trouvons un train en partance pour Bordeaux. Les wagons ont été pris d’assaut et n’offrent plus aucune place. Heureusement, on accroche au train de voyageurs quelques wagons de marchandises. Nous nous installons sur un wagon ouvert, bordé de ridelles d’une cinquantaine de centimètres de haut, où s’entassent pêle-mêle des tuyaux de fonte longs d’une soixantaine de centimètres et d’une trentaine de centimètres de diamètre. Nous calons nos bagages entre les tuyaux, en évitant les arêtes.
    À Périgueux, un train de voyageurs archibondé nous permet de continuer le voyage. En cours de route, plusieurs camarades quittent le groupe au gré des différents endroits où leurs familles sont réfugiées. À Bordeaux, nous nous retrouvons à cinq : l’abbé qui a hâte de rejoindre le port dans l’espoir de trouver un bateau en partance pour l’Angleterre, deux camarades qui se dirigent vers les Landes et les deux rescapés de Schlierbach, Gérard Oddolay, et moi-même, qui devons prendre la direction d’Agen. »

    Le 25 août 1942, le Gauleiter Wagner, qui exerçait les pleins pouvoirs sur l’Alsace, publie une ordonnance portant incorporation de 20 classes d’âge d’Alsaciens. Une ordonnance identique est publiée peu après par son collègue de Metz pour les habitants du département de la Moselle (appelés ici « Lorrains »).

    Les hommes de 17 à 37 ans ont été incorporés. Nombre d’Alsaciens : 100 000, nombre de Mosellans : 30 000, nombre de tués ou disparus (en comptant ceux qui ont péri au camp soviétique de Tambow) : 40 000.

    « La Défense, Paris »

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